L’histoire russe
en une seule prise
L’arche
russe, film d’Alexandre Sokourov,
réalise l’exploit de filmer un extraordinaire périple dans le temps, du
passé tumultueux de la Russie jusqu'à nos jours, en un seul plan-séquence à
travers le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.
L’Arche
Russe met en scène deux guides pour cette visite d'un nouveau genre :
l'auteur, qui tient la caméra, et le fameux marquis de Custine, auteur des
Lettres de Russie et critique acerbe de l’aristocratie pétersbourgeoise du
19ème siècle. Le cinéaste-auteur est invisible aux acteurs des différentes
époques, qui ne seront bientôt plus qu'un souvenir, alors que Custine leur
apparaît sans qu'ils s'en étonnent outre mesure.
Se retrouvant comme par magie au début du
XVIIe siècle dans l'Ermitage, le cinéaste et le marquis deviennent complices
pour un extraordinaire périple dans le temps, du passé tumultueux de la
Russie jusqu'à nos jours. En errant à travers les couloirs et les salons
somptueux du musée, ils assistent à des scènes stupéfiantes de l'empire des
tsars : Pierre le Grand qui fouette son général ; la Grande Catherine qui
court se soulager lors de la répétition de sa propre pièce ; la famille du
dernier tsar qui dîne tranquillement sans se rendre compte de l'imminence de
la révolution.
Avec
un seul jour de tournage et seulement quatre heures de lumière naturelle,
l’exploit consistait aussi dans l’organisation. L'équivalent de 33 plateaux
de tournage devaient être éclairés simultanément tout le long du parcours de
manière à permettre des mouvements de caméras de 360 degrés. A l'issue de
mois entiers de répétitions, les 867 acteurs et figurants, les trois
orchestres et les 22 assistants à la réalisation devaient tous connaître sur
le bout de doigts leurs positions et rôles puisque la moindre erreur
compromettait toute la prise.
Une plate-forme portable unique a été conçue
pour répondre aux exigences du scénario qui incluait des plans
architecturaux précis décrivant la distance de 1300 mètres couverte par le
déroulement de l'action à l’intérieur de l’Ermitage. La caméra glisse de
salle en salle, suivant le narrateur invisible qui commente les somptueux
tableaux historiques pour conclure sur un grand bal d’époque, véritable chef
d’œuvre de minutage.
L’idée derrière le film, déclare Sokourov,
est de saisir l’histoire dans un seul souffle sans manipuler le temps réel.
Un film qui fera date dans l’histoire !
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