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Genocide Organ atteint des sommets de rage avec des moyens simples
: la formule power
electronics prend toute son ampleur. Une nape du bruit le
plus abrasif
possible, à travers une simple boucle arythmique
dénuée de pulsation. Parfois interviennent des
échantillons de bruits abstraits pour souligner telle ou
telle
phrase. Des coups d'overdrive surgissent de temps en temps, mais la
trame est au demeurant très
répétitive. Elle
irrite, elle déchire plutôt les tympans. Par
dessus,
l'élément essentiel : la voix distordue de
Wilhelm Herich
(ou de son prédécesseur Roland Freisler) hurle
sans
discontinuer des phrases de haine plus ou moins
articulées.
Le
plus souvent, la langue allemande exprime toute la rage contenue et les
instincts sadiques prononcés de la
jeunesse allemande. Genocide
Organ cherche à libérer des
émotions absoluments inacceptables par l'ancien processus cathartique. "Vive
la Mort,
vive la Guerre,
vive le Sacré
Mercenaire
!" hurle le leader du groupe devant un rouleau compresseur sonore d'une
violence inouïe. Il n'y a pas de structure musicale, la
structure
est verbale, le message de violence prend son sens dans la parole et
pas simplement sous une forme abstraitement bruitiste comme chez
beaucoup d'autres groupes de power electronics. Le plaisir cathartique
possède une intensité toute
particulière
grâce à l'évocation des
thèmes les plus
tabous de notre abominable passé européen. Nulle
part ces
thèmes ne sont aussi tabous qu'en Allemagne. C'est une
Allemagne engluée dans son passé morbide, qui
vomit sur le visage exagérément éco
responsable propret altruiste et mortellement mièvre que le
pays cherche à se donner depuis les années 80.
C'est Fassbinder trente ans plus tard, dans une Allemagne où
le temps a dénazifié en tuant les derniers
vrais nazis.
L'auditeur
fantasme automatiquement sur l'appartenance politique du groupe
à des mouvements néo-nazis. Le groupe a toujours
botté en touche, mais n'a jamais nié quoi que ce
soit. Genocide Organ
obéit au principe édicté par Douglas
Pearce : "please in unease".
Meurtre,
trépanation, sévice, et bien sûr,
génocide.
Le groupe a choisit de s'exprimer musicalementsur ces sujets. Il ne
s'agit pas d'un parti politique, pas de militantisme in d'agit-prop,
mais de musique. Jamais le groupe n'a été associé
à une organisation oeuvrant dans un cadre politique (à ma
connaissance).
Toutes les idées passent à travers la
musique. L'activité de Genocide Organ
ne va pas au-delà, mais il n'est bien entendu pas possible
de
nier la dimension politique du groupe. Pour schématiser, je
dirais que la politique est ici un moyen, une couleur, une palette
s'exprimant dans un champ esthétique, aussi incongru que cela
puisse paraître. La pression sans cesse croissante du
"politiquement correct"potentialise l'odeur malfaisante des
thèmes utilisés parle groupe. Certains groupes
rabattent
pour des partis et des organisations oeuvrant dans le champ politique,
auquel cas la musique devient le moyen d'une fin politique. La
diversité thématique des oeuvres de Genocide Organ
montre la volonté du groupe de s'associer avec toutes les
formes
du mal politique, et pas seulement des organisations racistes
allemandes. Cette diversité révèle une
structure
polarisée par l'attrait pour le mal, laquelle structure est
potentialisée à travers la sphère
sonore. Le
groupe fouilles dans les replis les plus noirs, sales,
répugnants de l'histoire du XXème
siècle. Guerre
d'Espagne, camps de concentration du IIIème Reich, Orgues de
Staline, Orgies sataniques, meurtriers en série, massacre de
Nankin, ghetto, Saddam Hussein, Klaus Barbie, Klu Klux Klan... Parfois,
les titres des morceaux prennent une tournure fantasmagorique : "come
orgasm" ; "Negros in sky wars" ; "Genital inferiority"...
En fouillant dans les manifestations les plus extrêmes du mal et en s'efforçant de l'incarner, Genocide
Organ atteint un dégré inégalé de Catharsis
et de violence paroxystique en musique. Le groupe possède
une valeur
esthétique forte qui en fait un "groupe culte". Ils sont satisfaits de rester dans leur niche
souterraine, villipendés, craints ou ignorés des
médias et de la scène
musicale "overground". Dans le milieu de la musique
électronique
extrême, ce groupe bénéficie d'une
réputation unique, due à l'intensité
de leurs performances, à leur
intégrité, leur indépendance et
surtout à
cause de la puissance de leurs compositions.
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