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La délirante épopée d’une bagnole soviétique

Kopeïka

 

Le dernier film d’Ivan Dykhovitchny, sur un scénario du romancier Vladimir Sorokine,

filme les portraits de 20 propriétaires successifs d’une voiture chargée de symboles.

 

La Kopeïka, première voiture soviétique produite en grande série, la Jigouli VAZ 2101 sert de prétexte à une fresque colorée des mutations de la société russe. De Novossibirsk à Sotchi, et surtout à Moscou, la petite Kopeïka vibre, souffre et se métamorphose comme ses conducteurs.

 

Le film a été tourné en grande partie dans les studios historiques de Mosfilm. La richesse des décors indique que le film a bénéficié d’un budget conséquent. On peut y admirer la reconstitution de la datcha de Staline aux environs de Moscou. 80 acteurs participent au film, dont 7 principaux qui se partagent 70 rôles par des astuces de maquillages et de déguisements.

 

On ne peut que louer l’association d’artistes aussi emblématiques que Dykhovitchny, l’un des trois principaux héritiers de Tarkovski et Sorokine, romancier parmi les plus intéressant de ces 15 dernières années. La galerie des personnages offre une grande diversité d’individus, apparatchiks, pionniers, dissidents soviétiques ; caucasiens, juifs, ouvriers, artistes, voleurs, bureaucrates… Un physicien dissident dont la femme ne rêve que de s’envoyer en l’air avec Vladimir Vissotski (et qui y parvient). Ou une jeune prostituée aux sublimes yeux en amande qui n’atteint l’orgasme que dans la Kopeika qui a écrasé son père.

 

On reconnaît Sergueï Mazaev, chanteur du groupe rock Moralny Kodex, dans le rôle d’un mécanicien aux faux airs de Marlon Brando, et également dans le rôle d’un chanteur de restaurant dans un décor mêlant tout ce qu’il y a de plus kitch et cauchemardesque dans le Sotchi de l’époque Brejnévienne. Alexandre Petlioura prête ses traits à un artiste déguingandé à l’extravagante technique amoureuse, qui éprouve ponctuellement le besoin de se ressourcer auprès de babouchki sadiques. Sorokine lui-même apparaît à la fin du film, dégustant d’un air blasé quelques crevettes dans une luxueuse villa.

 

Ivan Dykhovitchny prend avec le montage les mêmes libertés qu’un Greenaway ou un Lynch. Rompant avec la linéarité et la continuïté historique du scénario, le montage opère de brusque rupture temporelles au gré des fantasmes et hallucinations – souvent burlesques – des personnages. Les portraits sont brossés avec un humour ravageur en même temps qu’une tendresse certaine pour les personnages

 

Kopeïka laisse une forte impression, celle d’un auteur plein d’imagination. Avec quelques auteurs inspirés tels que Dykhovitchny, Lounguine ou Sokourov pour ne citer qu’eux, le cinéma russe est porté par des personnalités très fortes, qui parviennent à concevoir des chefs-d’oeuvres en dépit des considérables difficultés que traverse l’industrie cinématographique russe. Kopeïka en est cette année le meilleur exemple.

 

http://www.intercinema.ru/