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hors compétition
Sans tapage ni cohue, le Festival International du Film
de Moscou 2002 (MIFF) a toutes les chances de renforcer sa présence sur la
carte du cinéma mondial. La brillante programmation était très variée
géographiquement et esthétiquement. Pas de stars croustillantes cette année,
mais des personnalités marquantes du cinéma mondial (Harvey
Keitel, Atom Egoyan, Jean-Marc Barr, Bob Rafelson, Jacqueline bisset, Amos
Gitai). Peu de glamour, de starlettes et de paparazzi. C’était le cinéma en
vedette et le cinéphile ne pouvait guère s’en plaindre. Le MIFF a le
mérite de permettre au public de découvrir un grand nombre de films
passionnants qui sans cela auraient peu de chances d’atteindre les écrans
moscovites.
Certes, il y a eu un peu de pagaille concernant
l’organisation. Avant l’ouverture, les festivaliers et journalistes se
plaignaient du manque d’information disponible sur les films. Et le festival
s’est achevé sur un cafouillage mémorable lors de la cérémonie de fermeture
avec improvisations au micro du président du jury Chingiz Aitmatov, (un
écrivain soviétique populaire).
Les frères
Taviani, sans surprise, ont remporté le grand prix avec "Resurrezione," un
film tiré de la nouvelle de Tolstoï intitulée Dimanche. Quant à l’autre
favori, le film russe Kukushka, il remporte ceux de la meilleure réalisation
et de l’interprétation masculine. Bob Rafelson, qui présentait The House on
Turk Street en compétition, a un peu déçu avec un thriller rondement mené
mais sans grande originalité. Plus un film de genre qu’une œuvre à placer
dans un festival international.
Sélection Aiforia (euphorie)
Japón
de Carlos Reygadas
Un film proprement
choquant de noirceur et de crudité. Un homme âgé, presque invalide, se rend
dans une haute vallée du Mexique dans l’intention d’y mettre fin à ses
jours. Il rencontre une vieille femme avec laquelle il ne semble ne rien
avoir en commun hormis la langue. Un étrange lien sexuel et affectif se noue
pourtant entre eux, qui le fait revenir à la vie. Filmé avec une lenteur et
une promiscuité déraisonnables avec les acteurs, le premier film laisse une
impression indélébile.
Ararat d’Atom
Egoyan
Travail sur l’identité, la mémoire et la culpabilité,
Ararat interroge sur la façon dont un réalisateur d’origine arménienne peut
aujourd’hui traiter le génocide de son peuple par les Turcs en 1915. Mêlant
réalité, fiction, passé et présent, Egoyan appuie sur la plaie laissée par
ces crimes, et provoque un scandale attendu, puisque les Turcs continuent
officiellement aujourd’hui à nier le génocide. On remarque la présence de
Charles Aznavour dans le rôle de… Charles Aznavour.
Profitons en pour évoquer les (bons) films français
présentés lors de ce festival et qui sont suivis d’une sortie en salle à
Moscou. Le film ouvrant le festival étant traditionnellement français, c’est
à Huit Femmes de François Ozon qu’échoie l’honneur de cette édition. Pour
ceux qui l’auraient raté lors de sa sortie en France il y a 6 mois, c’est un
Ozon très sage et limité à des numéros d’actrices – certes tous
excellents – mais on attendait quelque chose de plus osé de la part du
réalisateur de « gouttes d’eau sur pierres brûlantes ».
Being Light, de Jean-Marc Barr, repose sur un tandem
improbable entre un jeune homme échappé de l’asile et un riche
américain fuyant le monde du business. Tourné selon les principes
du Dogme 95 (tout en extérieur, caméra à l’épaule, pas de décors, son
direct, pas d’effets spéciaux…), ce film hilarant bénéficie d’acteurs
remarquables (Barr, Duris, Bouchez) et d’un scénario extrêmement dynamique.
Being Light sort simultanément en salles à Moscou.
8 et demi
Hotel de Mike Figgis
Film-dans-le-film, scrutant un tournage mouvementé à
Venise. Le réalisateur, à l’image de Mike Figgis, pousse ses acteurs à bout
et finit par se faire tirer dessus. Un grand nombre d’intrigues parallèles
évoquent la complexité d’un tournage de cinéma. Ce n’était pas la moindre
des surprises que de voir apparaître Salma Hayek, Chiara Mastroianni, Burt
Reynolds et Ornella Muti dans un film franchement expérimental (division de
l’écran en 4, effets vidéos, improvisations, adhésion au principe du
Dogme 95). Le film le plus déconcertant mais également le plus original du
festival.
Gosford Park de Robert Altman
Sorti la semaine dernière sur les écrans moscovites.
Très bavard, donc à éviter si on ne maîtrise pas parfaitement la langue de
Shakespeare. La perception des différents accents (américain, anglais,
américain-imitant-un-anglais, anglais-parodiant-un-américain, etc.) est
importante pour saisir toutes les subtilités des dialogues. Altman
reconstitue une Angleterre des années 30 un peu fantaisiste, vue par un
américain, à la manière d’Henry James. Mais l’intrigue un peu lourde vient
gâcher les numéros d’acteurs, tous plus brillants les uns que les autres,
comme c’est toujours le cas grâce à la légendaire direction d’acteur
d’Altman.
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