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"Il est grand temps de parler d’un son russe"

 
Entretien avec Andrei Borisov, président du label Exotica, qui regroupe une grosse partie de la scène électronique Russe, tous styles confondus. Après 10 ans d'intenses activités, il nous livre des commentaires éclairants sur l'évolution de la scène :  
 

Le label Exotica héberge des groupes aux styles très divers. Qu’est-ce qui fait l’identité du Label ?

Exotica est un label destine aux mélomanes, pour ceux qui comprennent la musique et souhaitent écouter quelque chose de plus intéressant, moderne et original, de moins banal que ce qu’on nous propose tous les jours à la radio et à la télé, c’est à dire les tubes sans lendemain. Une musique qui n’est pas une simple copie d’un tube précédent. Je porte mon attention sur tout ce qui se fait dans le monde musical afin de promouvoir les tendances les plus novatrices de la musique Russe. Je souhaite que la Russie compte au moins un label qui ne soit pas source de honte, un label qui ait une bonne réputation, reconnu pour son professionnalisme et qui fonctionne selon une politique artistique cohérente. Nous souhaitons être respectés sur le plan international et pas simplement sur le marché intérieur.

En fait, Exotica est laboratoire à nouvelles idées, nous produisons de la musique en boite, de la nourriture pour l’esprit. Mais c’est un produit nouveau ici, et pour cette raison nous ne nous faisons pas d’illusion. C’est beaucoup de travail.

Quels musiciens vous ont donné envie de créer le label ? Qui ont été les premiers à signer dessus ?

J’ai toute ma vie été un collectionneur de disques et de CDs. Ces 15 dernières années j’ai été très impliqué de différentes manières dans le monde de la musique. J’ai organisé des festivals, des concerts, réalisé des émissions télévisés et radio, publié des magazines, écrit des articles, etc. J’ai produit des artistes, sorti des albums et travaillé dans la distribution de disques. C’est ce qui a fait qu’au bout d’un moment, rechercher des artistes à travers la Russie est devenu ma principale tâche. J’ai fait en sorte d’aider ces artistes de toutes les manières possibles : en programmant leurs disques sur « Radio Russie », en les invitant à la télévision, en passant leurs clips. Par l’organisation de concerts, de festivals. Parallèlement, nombre de mes amis collectionneurs de disques sont passés progressivement de la consommation de musique à la création. Ainsi, un nouveau groupe de personne s’est formé autour du label Exotica au cours des années 90. Certains d’entre eux n’étaient pas seulement d’intéressants musiciens mais aussi des techniciens rompus aux techniques de studio. Je pense en particulier à Ivan Sokolovski, le duo électronique Vidi Ryb (espèces de poisson) qui étaient déjà parvenu à signer sur le label Hollandais Staalplaat. C’est eux qui m’ont donné envie de créer le Label Exotica. Toutefois la première sortie du label fut le premier album du groupe Pétersbourgeois Ole Lukkoye. C’était en 1996. En 1999, Exotica a lancé le sous-label Exotica Light, créé spécialement pour les musiques « lounge », easy listening, trip hop et consort. Il y a aujourd’hui 30 albums au catalogue.

 

Quels sont les principaux projets d’Exotica pour 2003 ?

Nous avons des gros projets comme toujours. Dr. Tikov, qui joue dans Netslov et Mare Tranquilitate, va sortir un album « Astral Space Dub ». Le légendaire groupe « Bratya po Razumu », qui s’est formé dans les années 80, va sortir sur Exotica un album Lougne/Electro appelé « Hokus-Pokus ». Enfin, après 3 ans de silence, le groupe « Volga » sort un album très attendu « Vipei do Dna » (Picole jusqu’à l’aube), qui est un heureux mélange de musique traditionnelle et de musique électronique. Le 7ème volet de notre compilation « porte les nouvelles à Tchaïkovsky » va sortir et enfin une double compilation de reprise des Beatles par des groupes électro Russes du Label sortira en début d’année 2003.

 Qu’est-ce que vous considérez comme la principale réussite du label sur ces 10 dernières années ?

Le monde musical change progressivement en Russie, et la plus grande réussite du label est d’y avoir contribué par le biais des magazines, Cds, émissions télévisions et radio. Le public a pu avoir accès à la nouvelle musique et la possibilité du changement est en partie venu des changements de goûts de la nouvelle génération.

 Avec quel label étrangers avez vous le plus de contacts ?

Il y a un grand nombre de producteurs et de musiciens étrangers parmi nos amis. Les plus célèbres sont Holger Czukay du groupe Can et les musiciens du groupe Faust. Les labels allemands Klangbad, Think Progressive, le label français Prikosnovenye (mot qui signifie effleurement), et le label italien Musica Maxima Magnetica.

 

Quels sont les principaux obstacles que rencontre un label russe de taille moyenne comme Exotica ?

Le principal obstacle au développement du label est la grande indifférence envers toute musique non-conformiste. Tout ce qui n’est pas formaté pop rock FM pour les chaînes musicales. Les directeurs de programmes ne pensent qu’en terme de profit immédiat, d’audience maximum. Leur rigidité s’oppose à l’enthousiasme des Djs de radio et des producteurs télé, dont beaucoup sont nos amis. La situation a franchit le seuil de l’absurde. Récemment, le directeur marketing d’une Major moscovite se plaignait à moi du fait que seule les productions occidentales passent en rotation sur les chaînes MTV et Muz-TV. Que dire donc du monde musical russe ? Pas un seul morceau instrumental n’est accepté à la radio, quelque soit le genre. Même Tchaïkovski serait rejeté ! La seule radio avec qui nous avons collaboré « station 2000 » a rapidement disparu. Le second problème est évidement le piratage, qui a habitué le public à des prix extrêmement bas sur les CDs. Et enfin, l’absence à l’heure actuelle d’un réseau de distribution digne de ce nom.

 

Quels artistes du label sont le plus susceptibles de plaire à l’étranger ?

Certains de nos musiciens ont déjà connu des succès à l’étranger : Ole Lukkoye fait des tournées chaque année en Europe. Les ventes de leur dernier album « Christal Crow Bar » a vendu environ 10 000 exemplaires en Allemagne. « Volga » a fait un concert devant 100 000 personnes lors du plus gros festival Allemand de Burg Herzberg. Les Albums de « Vidi Ryb » sont distribués par Staalplat en Europe par Soleilmoon aux Etats-Unis. Le premier album de « Los Chicatilos » est devenu un collector 2 mois seulement après sa sortie, et la même chose est arrivée à nos compilations « Dis les nouvelles à Tchaïkovski ».

 

Certains journalistes ont écrit qu’il était difficile d’identifier un son spécifique à la scène électronique russe. Qu’en pensez-vous ?

Mais qu’ont-ils donc écouté ? J’ai fait écouter des disques du label à un certain nombre de connaisseurs occidentaux et tous ont marqué leur surprise et exprimé un grand intérêt pour nos productions. Nos groupes sont constamment sollicités à l’étranger. Rien que dans la dernière moitié de 2002, Nuclear Los (Elan nuclaire) a été invité au festival d’Helsinki, Bigoudi en Allemagne, Los Chicatilos en Suède. Mais le champion pour cela, c’est Alexei Borisov et son projet F.R.U.I.T.S. Il a parcouru France, Belgique, Autriche et Finlande. En plus il va aller jouer au Sonar de Barcelone. C’est pourquoi je pense qu’il est grand temps de parler d’un son russe.

Si vous aviez à choisir – mettons 5 groupes – pour présenter une émission sur MTV-Europe sur la scène électronique russe, lesquels choisiriez-vous ?

 

Pour donner un aperçu des différentes esthétiques, je dirais :

 

Bigoudi (retrofuturism/loungecore),

Volga (ethnoelectronic),

Zoom.Ra (experimental funk/hip hop/electro),

Nuclear Los (trip hop/downtempo),

Brothers In Mind (electro/loungecore).