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éléments du bruit et de l'âme japonaise

Centre Dom

10.11.2002

Guerik Vinogradov et l'ensemble Wa On : 9 musiciens dans une longue improvisation bariolée inspirée de la musique classique japonaise et d'un poème de Kamada Kengyo

 

Vinogradov est un artiste complet, connu aussi bien dans le monde des arts plastiques que dans celui des musiques expérimentales depuis une vingtaine d'années. Entouré de 8 musiciens complices, Vinogradov a investi le centre Dom pour y installer d'innombrables instruments et échafaudages compliqués. Ce sont des percussions conçues par Vinogradov et qui occupent habituellement son appartement privé. Dans la ligné d'une certaine musique industrielle, Vinogradov frappe des barres de métal récupérées sur des chantiers, et utilise des outils de travail détournés. Il leur donne une vie nouvelle en les laissant eux-même poursuivre aléatoirement leur performance, les ayant animés d'une énergie cinétique. La sirène de chantier, une fois sa manivelle en mouvement, et jetée à terre où elle hurle en se tordant comme sur  un moignon pendant une bonne minute. Les instruments, de musique ou non, sont disséminés partout dans la salle, trois fois plus nombreux que les musiciens.

 

C'est une performance plus qu'un concert. Vinogradov et trois de ses compères semblent plongés dans une transe profonde, voire hystérique pour l'un d'entre eux, le joueur de Koto. Hurlant comme un possédé, ou récitant le poème macabre de Kengyo, il introduit une théâtralité bienvenue.

 

Le résultat sonore est bien plus proche de la musique bruitiste que d'une musique japonaise de quelque tradition que ce soit. Les musiciens ont développé de toute évidence un sens rare de l'écoute d'autrui et l'improvisation collective fonctionne admirablement. Chaque instrument ressort nettement malgré la complexité de l'amplification (un multitude de micros sont disséminés un peu partout). Vinogradov gouverne le groupe par des signes imperceptibles et les musiciens suivent des courbes de nuances avec un bel ensemble. J'ai quand même un doute sur la pertinence d'une basse électrique dont le propriétaire ne fait que tirer des motifs musicaux banals, comme s'il jouait dans un groupe de jazz-funk. Heureusement, les musiciens passent constamment d'un instrument à un autre et la basse se tait le plus souvent. En raison des innombrables instruments et musiciens, il y a en permanence une foule de sons incongrus dont il est impossible de localiser la source. Cela ajoute à l'impression mystérieuse donné par ce concert inhabituel.

 

Des événement cocasses surviennent, comme ces instruments mis au point au cours de la performance par Vinogradov, les bassines d'eau qui se renversent, la fumée des bâtonnets (d'encens ?) qui provoque l'ire et l'intervention immédiate de la propriétaire des lieux, et ce type qui, presque à la fin du concert, déboule dans la salle pour apporter un nouvel instrument et salue ses amis.

 

Peu après, le concert se termine avec une nouvelle agonie de la sirène et les auditeurs-spectateurs émergent lentement d'une torpeur hallucinée.