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Vinogradov est
un artiste complet, connu aussi bien dans le monde des arts plastiques que
dans celui des musiques expérimentales depuis une vingtaine d'années.
Entouré de 8 musiciens complices, Vinogradov a investi le centre Dom pour
y installer d'innombrables instruments et échafaudages compliqués. Ce
sont des percussions conçues par Vinogradov et qui occupent
habituellement son appartement privé. Dans la ligné d'une certaine
musique industrielle, Vinogradov frappe des barres de métal récupérées
sur des chantiers, et utilise des outils de travail détournés. Il leur
donne une vie nouvelle en les laissant eux-même poursuivre aléatoirement
leur performance, les ayant animés d'une énergie cinétique. La sirène
de chantier, une fois sa manivelle en mouvement, et jetée à terre où
elle hurle en se tordant comme sur un moignon pendant une bonne
minute. Les instruments, de musique ou non, sont disséminés partout dans
la salle, trois fois plus nombreux que les musiciens.
C'est une
performance plus qu'un concert. Vinogradov et trois de ses compères
semblent plongés dans une transe profonde, voire hystérique pour l'un
d'entre eux, le joueur de Koto. Hurlant comme un possédé, ou récitant
le poème macabre de Kengyo, il introduit une théâtralité bienvenue.
Le résultat
sonore est bien plus proche de la musique bruitiste que d'une musique
japonaise de quelque tradition que ce soit. Les musiciens ont développé
de toute évidence un sens rare de l'écoute d'autrui et l'improvisation
collective fonctionne admirablement. Chaque instrument ressort nettement
malgré la complexité de l'amplification (un multitude de micros sont
disséminés un peu partout). Vinogradov gouverne le groupe par des signes
imperceptibles et les musiciens suivent des courbes de nuances avec un bel
ensemble. J'ai quand même un doute sur la pertinence d'une basse
électrique dont le propriétaire ne fait que tirer des motifs musicaux
banals, comme s'il jouait dans un groupe de jazz-funk. Heureusement, les
musiciens passent constamment d'un instrument à un autre et la basse se
tait le plus souvent. En raison des innombrables instruments et musiciens,
il y a en permanence une foule de sons incongrus dont il est impossible de
localiser la source. Cela ajoute à l'impression mystérieuse donné par
ce concert inhabituel.
Des événement
cocasses surviennent, comme ces instruments mis au point au cours de la
performance par Vinogradov, les bassines d'eau qui se renversent, la
fumée des bâtonnets (d'encens ?) qui provoque l'ire et l'intervention
immédiate de la propriétaire des lieux, et ce type qui, presque à la
fin du concert, déboule dans la salle pour apporter un nouvel instrument
et salue ses amis.
Peu après, le
concert se termine avec une nouvelle agonie de la sirène et les
auditeurs-spectateurs émergent lentement d'une torpeur hallucinée.
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