Pierre le Grand Opéra comique d’André Grétry |
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le 27 janvier 2003 C’est l’événement lyrique de ce début d’année à Moscou. A l’occasion du tricentenaire de Saint-Pétersbourg, le Helikon rend hommage depuis Moscou à sa grande rivale, la capitale du Nord à travers son fondateur, le tsar Pierre le Grand. C’est un opéra fort rarement exécuté malheureusement, en dépit de ses qualités musicales et de son intérêt historique évident. L’œuvre fut créée 13 Janvier 1790 à la Comédie Italienne de Paris dans un contexte politique pour le moins tendu. C’est un opéra révolutionnaire qui oublie le caractère inflexible et autocratique de Pierre le Grand mais souligne sa proximité avec le peuple et ses habitudes anti-aristocratiques. Grétry préfigurait l’utilisation qui fut faite plus tard par le pouvoir soviétique d’un Pierre le Grand transformé en « premier bolchévique ».
L’ambassadeur de France à Moscou, Claude Blanchemaison a personnellement aidé à la préparation du spectacle d’une part en fournissant la partition (une rareté) au Helikon et en trouvant un mécène dans la communauté d’affaire française (Total, en l’occurrence).
Excellente initiative, et le résultat est enthousiasmant.
La mise en scène de Bertman est très « second degré », ne retransmet évidemment pas la signification original, qui était de faire la leçon à Louis XVI en montrant un Pierre décidé, courageux et vertueux. Le Pierre de Bertman présente les traits de caractère du Tsar : fermeté et courage mais aussi naïveté dans un milieu où règne la bouffonnerie. C’est un opéra comique, et Bertman excelle dans ce genre, accumulant les farces avec talent et ridiculisant à la fin le culte actuel autour de Pierre le grand.
La distribution est exceptionnelle. Pierre le grand est chanté par un très jeune (20 ans !) ténor issu de la Gnessin akademie, Maxim Mironov. Non seulement il ressemble étonnamment au jeune tsar, mais surtout sa voix est splendide, ses aigus sortent sans le moindre effort apparent et avec une rare clarté. Une découverte, car c’est sa première performance et il montre déjà des talents dramatiques. Non moins impressionnante est Katerine, chantée par Yelena Vosnenskaïa, dont on a eu maintes fois l’occasion d’apprécier le talent au Helikon. Splendide soprano dotée d’une technique impressionnante et d’une agilité remarquable dans les vocalises ; comédienne accomplie, elle illumine la scène par sa vivacité et sa malice. Les seconds rôles sont du même acabit avec une légère déception pour Le Fort, chanté par Nikolai Galin. Sa belle voix de basse, autrefois puissante et expressive, présente désormais tous les symptômes d’une fatigue vocale avancée : poussive, aux aigus laborieux et aux graves trop épais. Mais tous sont d’incomparables acteurs, avec qui seule la troupe du Théâtre musical Pokrovsky peut rivaliser. Enfin, la diction française est fort honorable - bien qu’imparfaite – en tous cas supérieure à ce qu’on a l’habitude de supporter à Moscou.
Il faut rendre hommage au chef Sergei Stadler qui a su recréer l’esprit de Grétry avec une fidélité étonnante. L’orchestre exécute la partition avec clarté typiquement française, sans jamais une erreur de goût alors que ce répertoire est très rarement donné, à Moscou comme à Paris.
A la fois historique et comique, l’opéra raconte partiellement la vie très singulière du Tsar. C’est le portrait de la jeunesse de Pierre Le Grand, sous l'influence d'un maître à penser d'origine genevoise, Lefort. Mettant en application les préceptes nouveaux de Lefort, il a décidé, sous un faux nom, de se mêler au peuple, de vivre avec le peuple, de travailler avec le peuple comme un ouvrier afin d'être plus capable de le comprendre et donc de le diriger. Le deuxième acte relate sa rencontre et son amour naissant pour Katerine, sa future femme et première impératrice de Russie. Elle n’est alors qu’une pauvre veuve de soldat.
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