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Œuvre injustement méconnue en
occident, l’opéra en 2 actes d’Anton Rubinstein fut créé à
Saint-Pétersbourg en 1875 d’après le célèbre poème de Lermontov,
qui a également inspiré la splendide peinture de Vroubel qu’on peut
admirer à la galerie Tretiakov. Le Démon (baryton), personnage
solitaire, taciturne et doté de puissants pouvoirs maléfiques, vit
isolé au sommet d’une montagne. Il aime et parvient à séduire Tamara
(soprano) dont il tue le fiancé, le prince Sinodal (ténor). Le Démon
parvient ensuite à rejoindre Tamara dans le couvent où elle s’est
réfugiée. Alors qu’il tente de l’enlacer fougueusement, le fiancé
apparaît sous les traits d’un ange et anéantit le maléfique charme du
Démon. Tamara meurt pardonnée et le Démon retourne plus malheureux que
jamais sur sa montagne.
Côté chanteurs, il convient d’éviter
l’un des quatre barytons qui se partagent le rôle du Démon, à savoir
Vadim Panfilov, dont le timbre agréable manque toutefois cruellement de
puissance et le jeu d’assurance. Il est beaucoup trop souvent couvert
par l’orchestre pour pouvoir bénéficier d’une excuse. Sinodal est
bien servi, hormis Antonov dont le jeu plat et le timbre nasillard agace.
Tamara trouve une sublime interprête en la personne de Smirnova.
La superbe mise en scène repose sur
l’astucieuse idée de jucher le démon sur un bras mécanique monté sur
des rails encerclant la scène. Sa première apparition produit un effet
fantastique alors qu’il se trouve littéralement projeté au centre de
la salle, au dessus du parterre, tournoyant furieusement et braquant un
puissant projecteur sur les spectateurs.
La musique mêle subtilement post-romantisme wagnérien, lyrisme
tchaïkovskien et d’étranges mélodies interminables aux couleurs
orientales. L’orchestre, sous la direction de Kolobov, nous sert de
grandes vagues de cordes aux contrastes saisissants. La partition est
tellement magnifique qu’on l’écouterait avec plaisir dans une version
de concert. Cette œuvre relativement méconnue de Rubinstein trouve dans
cette production des arguments évidents pour se faire connaître au-delà
des frontières russes.
Emmanuel Grynszpan
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