Direction : Valery
Gherghiev Orchestre et solistes du Mariinski de
Saint-Pétersbourg |
Détournement
du Bolchoï
La légende de la ville invisible de
Kitège, dimanche 3 mars, lundi 4 mars
La deuxième soirée présente des caractères similaires :
réussite musicale totale et mise en scène en retrait. Le décor d’une
simplicité un peu exagérée, limité à une imposante table carrée, se
pare tout au plus de quelques tissus et éclairages modulés. La direction
des chanteurs fort rudimentaire, n’apporte rien de nouveau à qui
connaît déjà le Ring. Peu inspirée, mais exempte de fautes de goût,
de grandiloquence dans laquelle les metteurs en scène sombrent trop
souvent, cette production ne distrait pas notre attention de l’écoute.
Gherghiev défend brillamment le répertoire wagnérien, et rivalise avec
les meilleurs chefs de la planète sur ce répertoire. Loin de se laisser
emporter par sa fougue, il maîtrise parfaitement la très complexe masse
orchestrale. La tempête du prologue a bien fait trembler les murs du
Bolchoï et étouffé les sonneries de portables comme prévu. Et, pour
citer Woody Allen, la chevauchée des Walkyries n’a pas manqué de nous
donner envie d’envahir la Pologne, dans l’autre sens cette fois. Mais
sans accent russe. La qualité de la diction germanique est remarquable,
quelque chose de tout à fait exceptionnel en Russie où les chanteurs se
distinguent rarement dans le soin accordé aux langues étrangères.
Wagner ne souffre pas d’approximation quant au verbe, et les chanteurs
du Marinsky ont été très bien conseillés. Les autres rôles principaux
Hunding, Siegmund, Wotan et Sieglinda sont irréprochables et les autres
ne s’en sortent pas trop mal. Toutes les voix sont puissantes et
traversent le rideau symphonique sans forcer. Le Siegmund de Victor
Loutsiouk est un Heldentenor de la meilleure eau, affligé cependant d’une
manie d’attaquer les sons par en dessous d’une façon appuyée. Mais
son timbre éclatant l’excuse. Le Bolchoï a donc été très inspirée
d’inviter à plusieurs reprise son rival Péterbougeois, et gageons qu’une
ardente émulation en résulte.
Emmanuel Grynszpan
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