Portée par une mise en scène
légère et colorée, la nouvelle production du Stanislavski n’atteint
pas le niveau des créations de l’an passé (les Fiançailles au Couvent
ou encore la Chauve-Souris), mais ne décevra pas les amateurs de l’œuvre.
Le décor se situe quelque part
entre une boutique Séphora et un minimalisme qu’on croirait inspiré de
Robert Wilson. Les costumes fantaisistes d’un Japon imaginaire et
facétieux introduisent une légère ironie et une distance par rapport au
drame lacrymogène de Puccini. On est loin des japoniaiseries dont on
affuble trop souvent cette oeuvre.
La langue italienne est maltraitée
comme à l’habitude. Impossible de comprendre un traître mot de la
langue de Dante. Certes le livret n’est pas un chef d’œuvre de poésie
mais c’est tout de même un comble de devoir lire le surtitrage
russe !
Irina Arkadeva campe une Mme
butterfly très émouvante, mais au caractère déterminé, aux gestes
directs et impulsifs plus russes que japonais. Fort éloigné de la Mme
Butterfly soumise, résignée et foncièrement passive que l’on voit
partout, et pour cause, puisque Puccini en a fait un archétype de la
victime.
Le chef d’orchestre ne
cherche guère à faire ressortir les motifs pseudo japonisants, ce qu’on
ne peut pas lui reprocher dans la mesure où ils constituent la partie la
moins réussie de la partition. En
revanche, l’orchestre manque singulièrement de finesse et de précision
sous la baguette habituellement plus inspirée d’Ara Karapetian. Puccini
est tout de même un orfèvre de l’orchestration, sans égal parmi les
véristes.
A moins d’être ému par la
voix compressée de l’inamovible ténor Roman Mouravitski, je vous
souhaite de tomber sur l’un des deux autres ténors de la distribution.
Le registre aigu de Mouravitski possède un je-ne-sais-quoi de turbine de
MIG 21 au décollage. Dans la série des paradoxes, pour un officier
américain, Mouravitski propose un jeu guindé fort décalé par rapport
à l’assurance et la désinvolture du personnage de Pinkerton.
Fort heureusement, le talent d’Irina
Arkadeva comme actrice et comme chanteuse, enjambe le récit à peine
mièvre de Puccini pour faire jaillir l’émotion.
Emmanuel Grynszpan
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