français

english

 

LULU

Alban Maria Johannes Berg

Opéra en 3 actes

Helikon Opera

Khovanchtchina

Faust

Le Démon

Turandot

Ivan Soussanine

Die Walküre

Kitège

Lulu

Albert Herring

Ernani

Boris Godounov

Fiancailles au couvent

Mme Butterfly

Bolchoi

Stanislav

Novaya

Bolchoi

Bolchoi

Bolchoi

Bolchoi

Helikon

Stanislav

Stanislav

Novaya

Stanislav

Stanislav

 

 

Injouable à l’époque soviétique pour « formalisme bourgeois », Lulu a attendu une dizaine d’années supplémentaires avant de trouver sa place sur la scène lyrique russe.

 L’honneur revient au Helikon Opera, seul théâtre moscovite à  s’aventurer fréquemment hors des sentiers battus. Dmitri Bertman, son directeur et principal metteur en scène, est l’enfant terrible de la scène locale. Bertman n’a pas seulement eu le courage d’affronter un public moscovite plutôt profane en matière d’opéra du 20ème siècle, il a également dû affronter sa propre troupe de chanteurs. Selon ses propres termes, au lieu de l’habituelle rivalité pour obtenir les rôles importants, tous les chanteurs ont commencé par se faire porter pâles, effarouchés par la complexité de la musique d’Alban Berg.

 Pour mieux introduire l’œuvre au public russe, Bertman a estimé que Lulu devait être chanté en langue russe, ce qui a de grandes chances d’être un événement unique dans l’histoire de cette œuvre. D’un point de vue purement musical, la langue russe, souple et mélodieuse, se prête en général fort bien aux adaptations. Mais on perd ici le tranchant et l’expressivité germanique qui font tout le sel d’un livret qui compte parmi les meilleurs de l’histoire de l’opéra.

 Bertman a plongé l’action dans un univers fantasmagorique constitué de toiles de René Magritte, de sculptures aux formes surréalistes. Les costumes semblent sortir d’un dessin de Roland Topor. Tout cela est fort recherché mais manque de clarté.

 Plutôt qu’une Lulu agressivement dominante et ultimement contrôlée par les hommes, Bertman a façonné une Lulu lascive et indolente, un rien blasée de l’imbroglio sentimentalo-sexuel dans lequel elle se trouve ballottée. A ses côtés, la comtesse Geschwitz apparaît davantage dominée par ses propres fantasmes que par les desseins de son idole. Une Lulu au caractère bien russe, à la recherche du plaisir et sans illusion, qui finit sous le poignard d’un Jack l’éventreur moderne, sorte de Patrick Bateman tout droit sorti d’American Psycho. Le regard vide, un sourire figé au coin des lèvres et exprimant la plus froide cruauté, il apparaît sur scène exhibant un corps body buildé pratiquement nu

 Marina Andreïeva chante admirablement, surmontant sans effort apparent les difficultés techniques et dramatiques. Malgré la prévention qu’ont manifesté les chanteurs devant l’œuvre dodécaphonique, tous surmontent les difficultés musicales et jouent de manière convaincante. Ils ont pourtant trop peu de place pour se mouvoir, gênés qu’ils sont par des décors encombrant la scène déjà très exiguë du Helikon Opera.

 L’orchestre apporte une dimension remarquable à cette production, sous la baguette extrêmement précise et dynamique de Vladimir Ponkin, qui confirme son très grand talent –sous exploité – dans le répertoire lyrique moderne.

 Lulu sera présentée en août au festival de Santander en Espagne, où l’œuvre sera en revanche chantée en allemand, puis fera l’ouverture de la saison prochaine du Helikon Opera.

 Emmanuel Grynszpan