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Considéré par beaucoup comme le
premier véritable opéra russe, Ivan Soussanine (appelé avant la
révolution Une vie pour le Tsar) illustre le sacrifice héroïque
d’un moujik pour sauver le Tsar Mikhaïl Romanov menacé par les
Polonais. Les productions rivalisent en général de patriotisme bon
teint, et celle-ci ne fait pas exception. Ce n’est évidemment pas la
version soviétique de 1939 qui est présentée. Les chanteurs se signent
à tout bout de champ et l’opéra s’achève par l’apparition du Tsar
devant le Kremlin.
Dans la grande tradition
réaliste du Bolchoï, les décors ne font guère preuve d’imagination
mais sont d’une grande beauté, et déclenchent des applaudissements
mérités à chaque lever de rideau. Les costumes sont également très
réussis, et une attention particulière est accordée aux affreux
polonais du 2ème acte. La noblesse ennemie est parée de
somptueux accoutrements illustrant l’opulence et la superficialité des
intrigants polonais.
La partition de Glinka, avec le
recul, semble très composite. Une impression de patchwork surtout
présente dans le premier acte, par exemple, lorsque le thème du premier
chœur, homophonique et très typiquement russe, est repris par l’orchestre
dans un style classique italien.
Dans l’ensemble, tout est
long à démarrer. L’intrigue n’est pas exactement passionnante, la
mise en scène, de facto, reste conventionnelle. Hormis le plaisant ballet
de type français au 2ème
acte, l’orchestre ronronne avec parfois même quelques miaulements
discordants, avant de se réveiller au quatrième acte, où les accents
dramatiques des cuivres sortent l’audience de sa torpeur. Dans le
dernier acte se concentre l’action et les moments musicalement les plus
inspirés, culminant avec le célèbrissime air de Soussanine,
remarquablement interprété par Viatcheslav Potchapsky. Une voix noble et
puissante typiquement estampillée Bolchoï. L’Antonida d’Irina
Samoïlova est de toute beauté, avec son timbre gracieux et envoûtant.
Dans le cas du tout jeune fils Vania par contre, il y a une vraie erreur
de distribution. Le gabarit de la mezzo Alexandra Dursenieva pose
problème puisqu’il égale presque celui du géant Soussanine. Sa voix
sombre et plus toute fraîche, quoique pas déplaisante, s’accorde
vraiment mal avec le personnage juvénile et naïf de Vania. Mieux vaut ne
pas évoquer son jeu. Le ténor Alexander Lomonossov joue avec un entrain
communicatif le rôle de Sobinine mais ses louables efforts ne masquent
pas le plus important : une voix complètement étranglée et aux
effets comiques.
Emmanuel Grynszpan
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