Chef d’orchestre : Nikolaï Alekseïev
Mise en scène : Dmitri Belov
Décors : Aliona Pikalova
Costumes : Maria Danilova
Lumières : Damir Ismagilov
Sniégourotchka : Irina Samoïlova
Le Roi Berendeï : Marat Galiakhmetov
Vesna : Marina Choutova
Moroz : Alexander Naumenko
Lehl : Helena Novak
Koupava : Helena Ievseïeva
Misgir : Nikolaï
Kazansky
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29.11.2002
L’intérêt de cette Sniégourotchka ne résidait pas tant dans ses
qualités propres que parce qu’elle fut choisie pour inaugurer la
« nouvelle scène » du Bolchoï. Alors que la nécessité de
la reconstruction du Théâtre du Bolchoï se fait chaque année plus
pressante, une deuxième scène se situant dans un bâtiment se situant à
une cinquantaine de mètres du Bolchoï vient d’être achevée pour
accueillir des productions de taille moins importante et faire patienter
le public pendant la période des travaux, qui devraient durer pas loin de
5 ans. C’est un théâtre à l’Italienne de 900 places de couleur
pistache abondamment strié de dorures qui ne cède en rien au goût du
jour. Un lustre disproportionné cache partiellement les bacchantes
peintes au plafond par l’artiste « officiel » et
omniprésent à Moscou – Zourab Tsereteli.
Bien que la « nouvelle scène » ait été conçue afin d’accueillir
de nouveaux répertoires – opéra baroque, Mozart, créations – c’est
une œuvre coutumière du Bolchoï qui l’inaugure. Un signe de plus de
la difficulté qu’éprouve la direction de se défaire de son profond
conservatisme. Ce n’est pas avant mai prochain que le public aura l’opportunité
d’écouter un opéra baroque (Alcina). Quant aux opéras contemporains
annoncés du bout des lèvres, rien de concret n’a été dévoilé.
Sniégourotchka nous a permis toutefois d’apprécier les possibilités
de la nouvelle salle, ainsi que ses limites. De toute évidence, la
« nouvelle scène » possède un équipement technique de
premier ordre, tant pour les lumières que pour l’immense écran vidéo
en fond de scène. La rapidité des changements de décors est
impressionnante. Pas de déception sur le plan acoustique, bien que la
présence du métro, peu profond à cet endroit, ait fait craindre le
pire. Il était ce soir-là imperceptible. Le son de l’orchestre et des
voix est un peu dur, mais équilibré et très bien défini. En revanche,
les chanteurs se sont plaints publiquement de la difficulté qu’ils
avaient à s’entendre, ce qui était perceptible au cours de la
représentation.
La mise en scène de l’envoûtant conte de fée n’offre rien d’inoubliable.
L’attention visuelle est toute entière captée par les magnifiques
décors en mosaïques et la captivante projection vidéo qui occupe
entièrement la moitié supérieure du fond de scène. La thématique s’inspire
du grand peintre et décorateur russe du début du 20ème
siècle, Nikolaï Roerikh, qui avait lui-même réalisé à plusieurs
reprises les décors de Sniégourotchka. Fasciné par les racines
scandinaves de la Russie, Roerikh avait créé un univers païen aux
couleurs vives et sombres, où la roche, l’eau et le feu étaient
représentés par des teintes informes. La vidéo imprime un mouvement
incessant au spectacle et donne vie aux peintures de Roerikh, avec
toutefois des ruptures stylistiques ponctuelles fort malvenues.
Chez
les chanteurs, la somptueuse colorature d’Irina Samoïlova (Sniégourotchka)
campe avec justesse une héroïne peu à peu gagnée par des sentiments
amoureux et domine largement une distribution inégale. Misgir, son prétendant
subjugué et impétueux, est chanté par Nikolaï Kazansky, entré récemment
dans la troupe du Bolchoï. Son timbre de baryton est très prometteur,
mais il semble gêné par l’acoustique de la salle et sa projection hésitante
s’en ressent. La Koupava trop large et statique d’Helena Ievseïeva ne
convainc pas tandis que le Le Roi Berendeï échoit à Marat
Galiakhmetov un ténor au timbre serré et peu séduisant. Des problèmes
de justesse et un jeu inexistant montrent le chemin qui reste à parcourir
à ce jeune chanteur tout juste issu du conservatoire de Moscou. Les chœurs
sont en revanche parfaits à chaque intervention, et l’orchestre conduit
de main de maître à travers la subtile partition de Rimsky-Korsakov par
le jeune chef Nikolaï Alekseïev.
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Emmanuel
Grynszpan
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